La “Mare aux Canards” à Noyon : un nouvel éclairage sur les très grandes villae gallo-romaines de plan régulier en Gaule du Nord
Fin 2023 est paru le 39e supplément de la Revue Archéologique de Picardie consacré au site antique de Noyon “La Mare aux canards”.
Le site de Noyon « la Mare aux Canards » a été mis au jour en 2011 lors des travaux sur le futur Canal Seine Nord-Europe. La fouille a révélé la présence d’une villa dont la surface a été estimée à 12 ha, ce qui la place parmi les très grandes villae de Gaule.
Il fait aujourd’hui l’objet d’une importante publication dans la Revue archéologique de Picardie, sous la direction de Marjolaine de Muylder.
MUYLDER de (M.) dir. — La “Mare aux Canards” à Noyon : un nouvel éclairage sur les très grandes villae gallo-romaines de plan régulier en Gaule du Nord . Amiens : Société archéologique de Picardie, 2023.- 1 vol. (504 p.).- (Revue archéologique de Picardie. Numéro spécial ; 39)
L’opération
L’opération archéologique réalisé sur 6 ha de la pars rustica, a bénéficié d’importants moyens qui ont permis à l’équipe de proposer une analyse approfondie des faits et d’interroger les schémas d’interprétation déjà existants. De nombreux spécialistes sont intervenus sur la fouille, dont des archéologues spécialistes du bâti pour l’étude des bâtiments maçonnés et de la zone cultuelle.
© Photographie A. Normier (Des ailes pour la science) ; photo-interprétation B. Dubuis ; cartographie
Dans son premier état qui correspond à la période julio-claudienne jusqu’aux années 70, la villa de Noyon apparaît plus résidentielle que relevant d’un domaine agricole à proprement parler. Plusieurs indices, notamment la présence de nombreux produits importés du sud de la Gaule témoins d’une influence méditerranéenne, convergent pour indiquer un statut élevé des propriétaires et un mode de vie qui relève plus d’un milieu urbain que rural.
Dans son deuxième état, la villa est remodelée avec des constructions en « dur ». On distingue deux phases : d’abord des constructions sur solin et certainement à pans de bois puis des constructions maçonnées. Les traces de la culture matérielle, céramique, enduits peints, verre, ainsi que l’étude de la faune (présence d’animaux ornementaux) témoignent du rang social élevé des propriétaires de la villa.
14,2 sur 10,6 mm, intaille 9,2 sur 9,8 mm ; h.
chaton 4,2 mm (S. Lancelot, Inrap)
Après un surprenant hiatus et le démantèlement des bâtiments, la villa est réoccupée au IVe s., puis présente des traces de fréquentation au Moyen Âge.
MUYLDER et al. 2014 : MUYLDER de (M.) dir., AUBAZAC (G.), DUBUIS (B.), BARTHÉLÉMY-SYLVAND (C.), BLANC (A.), BOLO (A.) Canal Seine-Nord Europe, fouille 34, Picardie, Oise, Noyon, “la Mare aux Canards” : une villa aristocratique de la cité des Viromanduens : rapport de fouilles. Amiens, La Croix-Moligneaux : Inrap NP, CSNE, 2014. 9 vol. (2857 p.) https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0134845 Lien Zotero
Une monographie de site
L’ouvrage se décline en trois chapitres relatant la chronologie du site.
Une longue introduction décrit le cadre général de l’opération avec une mise en contexte (environnement, archéologie, topographie, géologie, pédologie) puis aborde de façon très détaillée, la méthodologie d’acquisition et de traitement des données : de l’enregistrement de terrain – utilisation de la base de données CADoc, usage du programme « stratifiant » développé par B. Desachy – à la mise en place d’un SIG pour les données spatiales et aux études des spécialistes.
La première partie concerne la villa julio-claudienne et son origine jusqu’aux années 70.
Après la recherche d’indices gaulois, l’autrice s’emploie à décrire les différentes structures archéologiques. Elle propose, pour chacune d’entre elles, une interprétation qui repose sur des hypothèses bien étayées. Puis sont abordées les activités économiques du domaine, la circulation monétaire, la culture matérielle et la vie quotidienne des habitants, en croisant les résultats des observations sur le terrain avec les données des études spécialisées réalisées a posteriori.
La seconde partie concerne le démantèlement de la villa julio-claudienne et la phase de transition.
La description de la villa, pour les deux phases d’occupation de cette période, respecte toujours le même schéma : d’abord le mur de clôture, puis les bâtiments les uns après les autres pour finir par la zone cultuelle. Les interprétations argumentées s’appuient sur les résultats des études palynologiques et carpologique pour rendre compte du paysage et notamment de l’environnement du fanum.
La dernière partie enfin, traite de la villa au Bas-Empire. Après une description de l’état final de la villa, l’autrice présente les résultats de l’étude de trois tombes dans lesquelles les personnes inhumées sont potentiellement d’origine germanique. Ces tombes ont fait l’objet d’analyses isotopiques. Elle propose également une chronologie établie à partir de l’étude de la récupération des maçonneries.
En conclusion, l’auteur tente de restituer la totalité du site (malheureusement en partie détruit par la construction du canal du Nord) et notamment la pars urbana révélée par la photographie aérienne, la géophysique et quelques sondages complémentaires. Cette étude a permis de réinterroger les fonctions de la pars rustica d’une villa et celles des structures cultuelles qui lui sont reliées.
Marjolaine de Muylder a été responsable de recherches archéologiques à l’Inrap.
Bibliographie non exhaustive de Marjolaine de Muylder sur Hal
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Inrap (23 mai 2024). La “Mare aux Canards” à Noyon : un nouvel éclairage sur les très grandes villae gallo-romaines de plan régulier en Gaule du Nord . ArchéO'liens. Consulté le 13 octobre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/11pj4
